Question Écrite #5 : Politique pénale des homicides routiers

Question écrite n° 19491 de Laurent Somon (Somme – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 10/12/2020 – page 5826

M. Laurent Somon attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice au sujet de la politique pénale des homicides routiers parce qu’aujourd’hui tuer sur la route, alcoolisé ou sous stupéfiants, ne constitue encore qu’un homicide involontaire aggravé. La multiplicité des circonstances aggravantes ne saurait aboutir à la transformation d’un délit en un crime, où la volonté de porter atteinte à autrui est délibérée. La qualification des faits en homicide involontaire constitue un délit porté devant le tribunal correctionnel, et non un crime qui serait porté devant la cour d’assises. En 2019, 731 personnes ont été tuées en France dans un accident impliquant un conducteur sous emprise de l’alcool ou de stupéfiants, soit 23 % de la mortalité routière. Dans le département de la Somme, comme hélas partout en France, les familles endeuillées peinent à comprendre certaines décisions de justice qui aboutissent in fine à des peines aménageables sans prison ferme. La prévention routière efficace ne peut pas se dispenser de l’engagement fort du ministère de la justice avec des peines encourues réellement dissuasives pour les conducteurs qui seraient tentés de prendre le volant sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre afin que la politique pénale française participe à la lutte contre l’alcool et les drogues au volant en assurant des peines effectives et exemplaires.

Réponse de M. le garde des sceaux, ministre de la justice publiée dans le JO Sénat du15/04/2021, page 2525


Texte de la réponse : Le ministère de la justice est pleinement mobilisé sur le dossier de la violence routière, spécialement lorsque celle-ci cause la mort de victimes, et veille à ce que ces infractions fassent l’objet d’une répression efficace. Ainsi, une dépêche de la direction des affaires criminelles et des grâces du 7 mai 2020 relative aux mesures de sécurité routière de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, a récemment rappelé aux parquets généraux et parquets cette priorité de politique pénale. L’homicide involontaire routier est puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende à l’encontre de la personne qui a causé la mort en utilisant un véhicule terrestre, alors que l’homicide involontaire non routier est puni par l’article 221-6 du code pénal d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Par ailleurs, les peines encourues par l’auteur d’un homicide routier sont à nouveau aggravées par l’article 221-6-1 en étant portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende dans certaines circonstances, notamment lorsque la personne a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, lorsqu’elle se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique, lorsqu’elle avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, lorsqu’elle n’était pas titulaire du permis de conduire, ou lorsqu’elle a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h. Si les faits ont été commis avec au moins deux de ces circonstances, notamment en cas de consommation simultanée d’alcool et de stupéfiants, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende. Il s’agit là de la peine la plus élevée encourue pour un délit. En cas de récidive, il est alors encouru une peine d’emprisonnement de vingt ans. Dans environ 98 % des cas, les auteurs de ces infractions poursuivables font l’objet de poursuites devant les juridictions correctionnelles. En matière d’atteinte involontaire à l’intégrité physique (accidents corporels et accidents mortels), l’emprisonnement est prononcé dans 78,8 % des cas lorsque les faits ont été commis par un conducteur à l’égard duquel des circonstances aggravantes sont caractérisées. Il peut en outre être précisé que 108 peines d’emprisonnement ferme en tout ou partie ont été prononcées en 2018 pour des faits homicides involontaires par conducteur aggravés par une circonstance (alcool ou produits stupéfiants). Le quantum moyen de l’emprisonnement ferme prononcé était de 19,7 mois en 2018 (source PEPP-CJN). En outre, l’effectivité des sanctions pénales prononcées et leur exécution dans un délai satisfaisant, apparaissent essentielles pour assurer la crédibilité de la justice pénale et éviter la réitération d’infractions. Dès lors, le ministère de la justice attache une importance particulière à ce que les peines prononcées souverainement par les juridictions soient exécutées rapidement et effectivement. Par la circulaire de politique pénale générale du 1er octobre 2020, le garde des Sceaux a rappelé cet impératif aux parquets. Le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement ferme est en outre l’un des indicateurs statistiques pénaux analysés trimestriellement et annuellement par la sous-direction de la statistique et des études. En 2018, 72 % des peines d’emprisonnement ont été mise à exécution dans un délai d’un an. S’agissant des peines d’emprisonnement comprises entre 1 mois et 6 mois, 91 % l’ont été dans les trois années ayant suivi le prononcé de la condamnation. Ce chiffre s’élevait à 94 % s’agissant des peines d’emprisonnement comprises entre 6 mois et 12 mois. Un rapport sur l’état et les délais d’exécution des peines établi par le procureur de la République est transmis chaque année au garde des Sceaux dans le cadre du rapport annuel de politique pénale. Enfin, les personnes condamnées pour ces infractions, lorsqu’elles sont liées à des conduites addictives, font l’objet après leur libération d’un suivi étroit par le juge de l’application des peines dans le cadre d’obligations imposant, par exemple, des démarches de soins ou en contraignant le condamné à faire équiper son véhicule d’un éthylotest anti-démarrage. Ainsi, le ministère de la justice veille avec une attention particulière à l’exécution rapide et effective des peines d’emprisonnement prononcées, gages d’une réponse pénale conservant tout son sens et son efficacité.

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